mercredi 17 février 2010

Je voudrais souffler des bulles de savon multicolores et les envoyer vers toi, remplir l'espace qui t'entoure de légèreté, de lumière, de rose, de bleu, de vert, de jaune, de mauve. Mais pas de gris.
Je voudrais chasser ta peine à coup de sploush de peinture, changer mon nom pour Picasso et que tu trouves ça drôle.
Mais je ne fais rien de tout ça, parce que j'ai peur. Peur d'obscurcir le gris en disant exactement ce qu'il ne faut pas, peur de me mettre à pleurer, parce que criss que ça me donne envie de pleurer.
Je suis là, pourtant. Paralysée, muette, mais présente. Et j'espère que tu ne m'en veuilles pas trop d'être nulle à ce point.

lundi 25 janvier 2010

Puissance créatrice.

Ta silhouette se découpe sur l'horizon pourpre et domine tout ce qui t'entoure: mises à part les hautes herbes que personne n'a jamais tondues, tu es tout ce qui ose s'élever du sol dans cette partie reculée du monde. En apparence, il n'y a que ton âme qui vive. Oui, en apparence seulement, car si tes yeux ne perçoivent aucune présence, ton coeur sait qu'il n'est pas le seul à battre ici.


Une brise familière secoue tes cheveux et tu abaisses tes paupières. Ce parfum délicat, cet exact niveau d'humidité, cette douceur dans la force du vent, cet air venu d'un autre temps souffle sur toi un bonheur que tu n'as jamais su décrire. Toute la puissance de ton esprit créatif provient de ce souvenir si vif, même le sang qui circule en toi y prend sa source, et tu sens que jamais les mots ne t'apparaîtront qui permettraient d'expliquer ce phénomène. Parfois, tu aimerais partager cette formidable émotion. Parfois, ça te frustre d'être incapable d'exposer clairement ce qui t'inspire tant. Mais la plupart du temps, tu accueilles la brise en souriant de tout ton corps et tu remercies une entité quelconque de t'avoir donné ce cadeau unique.


Lorsque tu rouvres les yeux, le champ au milieu duquel tu te trouves s'est entièrement métamorphosé. Des gratte-ciel tout de verre dans lesquels se reflète à répétition un soleil bleuâtre côtoient un immense château gris, croisement entre tous les châteaux que tu as vus de ta courte existence et qui t'ont fait rêver. Dans les rues tracées sans plan logique, une multitude de gens déambulent, chacun traînant son drame personnel, chacun farfouillant le jour sombre à la recherche de celui ou celle qui saura le comprendre. Ton coeur est chaviré: le décor est magnifique, mais cette souffrance, toute cette souffrance... Même si tu sais que la peine de ces villageois imaginaires n'est que la projection de ce qui vit en toi, tu te sens coupable et ô combien cruel. Tu emmerdes ton imagination pessimiste et tu refermes les yeux, t'étant toi-même blessée profondément.


Quelques secondes plus tard, une minuscule main se pose sur ton épaule et tu entends une voix, ta propre voix, te murmurer tout ce que tu sais déjà, mais oublies, aveuglée par ta négativité. «Ils ont mal, ils pleurent et ils mourront trop tôt, mais ce n'est pas une maladie de l'âme qui les rend ainsi. Regarde tout l'amour qu'ils cherchent à donner, regarde toute la passion qu'ils s'offrent entre eux. Même s'ils savent que celui ou celle qu'ils cherchent est loin, très loin, regardent comme ils s'efforcent à rendre heureux, à épargner les autres de cette créature qui les ronge, à distribuer des sourires et des rires qu'ils n'ont pas, à rendre meilleure la vie de ceux à qui ils tiennent. C'est toi qui a créé tout ça, la souffrance tout comme l'intense bonté dont ces gens font preuve. Tu crois que ce que ton imagination a à montrer n'est que tristesse et destruction, et c'est vrai, mais seulement en apparence. Oui, en apparence seulement, car si tes yeux ne perçoivent aucune lueur d'espoir dans ce paysage, ton coeur et celui de ceux qui liront un jour tes textes savent et sauront que les coeurs de tes personnages palpitent énergiquement, animés par le désir de changer les choses.»


Lorsque tu ouvres à nouveau les yeux, tu n'es plus au milieu d'un champ, ni devant des merveilles architecturales. Ton crayon t'a glissé des mains et ton cahier repose encore sur tes cuisses, ouvert à la page que, quelques minutes plus tôt, tu voulais arracher. Et tu continues d'écrire, ton épiderme encore imbibé de la brise inspiratrice.

mercredi 20 janvier 2010

Parenthèse.

Hier, en me couchant, je me suis promise de m'épousseter un peu. Je bouge à peine ces temps-ci, j'ai probablement l'air d'un grand bibelot en pyjama devant un bureau d'ordinateur encombré. C'est le retour en classe pour mes camarades du cégep, et c'est fou à quel point ça me déprime. Je ne regrette en aucun cas d'être en année sabbatique; toujours est-il que c'est une méchante gifle à la figure de mon orgueil et que je commence à en ressentir la brûlure. L'éducation a toujours été primordiale à mes yeux et voilà que j'entre dans la catégorie ne reçoit aucune formation. Quelle absurdité. Alors je suis là à observer ma nouvelle réalité, perplexe. Pendant ce temps, je me couvre de poussière. Je suis franchement incapable de donner un sens à ma vie présentement, comment voulez-vous que je déniche un peu de motivation pour me secouer?

Mais il fallait que ça change. De toute façon, je n'avais plus rien dans le réfrigérateur, je devais bien troquer mon pyjama pour une paire de jeans et mettre le cap vers «dehors à l'extérieur». Ah, estomac, qu'est-ce que je ferais si je n'avais pas à t'obéir? Rien. C'est le cas de le dire...

C'est peut-être dû au fait d'avoir ne serait-ce que l'ombre d'un but. Lorsque je me suis regardée dans le miroir ce matin, mon reflet a souri et j'ai senti que c'était sincère. Il a souri parce qu'il me trouvait belle, avec mon teint pâle et ma crinière hirsute. J'avais vaguement l'air de l'une de ces mannequins, vous savez celles qui semblent avoir été mises K.O. par le peigne dans certaines photos de mode, excepté que je portais un grand t-shirt rose orné de deux rennes. Exit sexiness.
J'ai mis un peu d'ordre dans ma chevelure, j'ai fait semblant que ma petite robe bleue était un t-shirt, j'ai hésité à mettre du maquillage puis j'ai décidé que j'étais magnifique au naturel, fuck les cosmétiques. Comme ça, parce que j'étais fatiguée de me considérer comme une ordure, j'étais tombée sous mon propre charme, tellement que c'en était ridicule. Mais ça ne dérangeait personne. Qui aurait pu me reprocher ma conduite? J'étais seule devant mon miroir et je me redonnais un peu d'estime de soi, il n'y a rien de mal.
Finalement, je suis sortie, j'ai marché. Pas longtemps, mais suffisamment pour me rappeler à quel point j'aime frapper le sol avec mes bottes, sentir le froid sur mon visage et regarder le monde derrière la barrière de ma musique trop forte. J'étais belle, je marchais et j'avais oublié mes problèmes d'orgueil chez moi.
La paix. Pas encore le bonheur, mais une belle impression de sérénité teintée de plaisir.

Je devrais répéter ça plus souvent.

vendredi 15 janvier 2010

Singulier ou pluriel.

Sais-tu quoi? Il est loin, ton conte de fée.
En plus, c'est conte de fées. Avec un s. Mais tu t'en fous, évidemment que tu t'en fous. Pour toi, il n'y a qu'une seule fée, parce que c'est toi qui fais tous les rôles, n'est-ce pas? Tu es partout à la fois dans ton conte personnel. De la place pour quelqu'un d'autre? Et pourquoi? Tu te suffis. Les autres fées, les autres princes, les autres sorcières, et tout ce qui suit, tu n'en as pas besoin, que tu prétends. Tu n'as pas besoin qu'on te sauve, qu'on te promette un royaume tout entier, qu'on te blesse, qu'on te reprenne, qu'on te blesse encore, qu'on t'abandonne. Tout ça, tu le fais très bien toute seule. Tu es ta propre bonne fée. Tu es ta propre Fée Carabosse.
Mais...
Et c'est ça qui te tient éveillée à minuit: un mais qui écoeure, qui assèche la gorge, qui apprend à faire des noeuds avec ton oesophage. C'est beau se suffir à soi-même, tu le sais, tu aimes tellement ça.
Mais... parfois, tu trouves que ton conte de fée pourrait prendre un s.
Comme ce soir.
Mais... parfois, tu ne comprends plus. Qu'est-ce que tu ne comprends plus? Voilà le problème: tu ne sais même pas. Tu es comme un hamster dans sa damnée roue. Tu cours, tu cours, mais tu stagnes, bordel, tu stagnes et tu en as assez, mais tu ne comprends pas ce qui se passe, pourquoi tu ne t'approches pas de l'immensité là-bas, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi, pourquoi.
Et puis tu commences à comprendre.
Alors tu arrêtes d'écrire, parce que tu ne veux même pas savoir.

jeudi 7 janvier 2010

19.

Je mets beaucoup de pression sur cette journée que sera le 7 janvier 2011. Déjà, j'avais de lourdes attentes envers elle, mais je ressens à présent le besoin vitale que ce petit vingt-quatre heures soit parfait, d'un bout à l'autre. En fait, je me sens comme le parent exigeant d'une gymnastique de niveau olympique. Je veux la voir monter sur la plus haute marche du podium, même si elle, elle n'en a pas envie. Monte, idiote. Monte, grimpe, toujours plus, ne te contente pas d'une banale médaille d'or, frôle les étoiles du bout de tes doigts!

Aujourd'hui encore, j'ai rajouté une chandelle sur mon gâteau mental. C'est étrange à dire: j'ai dix-neuf ans. Moi qui n'aie rien écris de grandiose, j'ai atteint l'âge qu'Émile Nelligan avait à la fin de son explosion de talent. Je m'éloigne de l'enfance et, avant même que j'ai le temps de comprendre ce qui m'arrive, il sera devenu évident que je suis une adulte. Une adulte. Le mot me bourdonne dans la tête, me fait une grimace au passage, irrite mon crâne. Une adulte.

Tout de même, c'est mon anniversaire. La société s'accorde pour dire que c'est une journée spéciale. Un moment unique. Hi, I'm the queen of the day. Mais depuis si longtemps ma vie s'efforce de donner tort à la société. Le 7 janvier est trop souvent synonyme de déception, de solitude. Comme maintenant, seule à la bibliothèque municipale. De larmes. Comme tout à l'heure, immanquablement. De rage sourde contre les imprévus qui viennent donner des coups en bas de la ceinture de mes plans.
Cette année, tout s'est replacé. Mes plans initiaux auront lieu. Tout de même: j'ai eu près de trois heures d'incertitude, qui penchaient plus vers le «bitch, tu vas rester dans ton coin ce soir». J'ai eu peur de faire un voeux devant mes dix-neuf chandelles imaginaires sur mon divan désespérément brun, avec mon matériel d'écriture, mes quatres romans en cours de lecture et ma tasse de thé Earl Grey. Ça me plaît bien, ce genre de soirée, mais justement. Justement, ça me plaît. Ça me plaît tant que j'occupe ainsi toutes mes soirées en solitaire. Le combo écriturelecturetassedethé a une paisible douceur, mais ce n'est rien de spécial. Rien d'unique. C'est ma petite recette du bonheur, sauf pour les 7 janvier, 19 avril et 29 septembre.

J'ai décidé que je ne passerais pas le Temps des Fêtes au Canada l'an prochain. Décision égoïste mais essentielle. Cet exil de Noël et du Jour de l'An seront un sacrifice pour le moment ultime de mon séjour en terre britannique: une journée d'anniversaire véritablement spéciale, indubitablement unique. Un anniversaire peut-être solitaire, mais baigné de l'atmosphère indescriptible du Royaume-Uni. Je vais me concocter un itinéraire féérique, oui oui. Et je ne serais pas déçue. Je ne me sentirai pas seule. Je ne pleurerai pas. Je n'aurai aucune rage.

Promis, juré.
Elle souffla ses bougies d'anniversaire, vécut heureuse et sauta dans le prochain train en direction de Leatherhead.

mardi 5 janvier 2010

Il y a de la vie sur Terre.


Je me suis regardée dans le miroir ce matin. J'y ai vu le visage d'une très jeune fille, presque une enfant. Même à moi, ça paraît incroyable que j'aie bientôt dix-neuf ans. Encore deux jours et je vais pouvoir aller me saouler à Ottawa... comme si c'était dans mes plans. Je redoute l'âge adulte, je repousse les privilèges acquis l'an passé, et pourtant je vieillis. Le temps se fout bien de mes voeux. Toutes les bougies soufflées du monde ne m'écouteraient pas.
Ce n'est pas un refus de prendre certaines responsabilités, mais un refus de me coller au stéréotype de l'adulte. L'étiquette ne me convient pas et l'idée qu'elle puisse un jour s'appliquer à ma personnalité me donne la nausée.
Peut-être est-ce pourquoi je veux aller en Angleterre. Après tout, c'est de là que viennent Peter Pan, Alice et Dorian Gray. Non pas que je m'identifie à ces personnages, loin de là. Tout simplement, je suis séduite par ces mythes rattachés à la jeunesse - dans tous les sens du verbe rattacher - sur une terre pourtant si ancienne.

***

Voilà plus d'un mois que mon ordinateur reste éteint. De «très dépendante de l'Internet», j'en suis venue à ne plus voir Gueda (oui, l'appareil aux allures préhistoriques a un prénom). Je passe mes soirées à écrire dans un cahier et l'histoire que je tâtonne depuis la mi-décembre commence à prendre forme, ô joie suprême, même si elle connaît quarante-sept millions de débuts différents, mais aucune fin. Typique.

***

[...] on a toujours quelque chose à fuir. Ne serait-ce que soi-même.
La bonne nouvelle, c'est que l'on peut échapper à soi-même. Ce que l'on fuit de soi, c'est la petite prison que la sédentarité installe n'importe où. On prend ses cliques et ses claques et on s'en va: le moi est tellement étonné qu'il oublie de jouer les geôliers. On peut se semer comme on sèmerait des poursuivants.
Ni d'Ève, ni d'Adam d'Amélie Nothomb, page 234.

***

Mon heure à l'ordinateur de la bibliothèque est presque terminée. J'aurais envie d'écrire un peu n'importe quoi, pour remplir le vide abyssal de mon blog, pour écrire, juste pour écrire, mais ça ne vaudrait rien. Alors, à la prochaine.

vendredi 11 décembre 2009

De retour en 2011.

Ça ne ressemble pas à un début de conte de fée. En fait, ça a plutôt des airs de famille avec la fin subite d'une rue en cul-de-sac. J'ai deux choix: faire demi-tour ou m'enfoncer dans le sentier à peine tracé entre les arbres devant moi. La première option est la plus facile, avec l'asphalte, les panneaux de signalisation et la civilisation au bout des doigts, mais j'ai déjà pris la décision d'emprunter le deuxième trajet. J'ai peur de me casser la gueule en trébuchant sur les racines, de tomber et de me noyer dans un ravin, de croiser la route d'un animal sauvage qui n'aurait pas mangé depuis quatre semaines, mais je dois aller dans cette voie. Je dois revêtir mon armure de courage et m'avancer vers ce monde inconnu. Le cas contraire m'apporterait l'assurance de la réussite, mais ce n'est pas ce dont j'ai besoin. Pas maintenant.

J'ai assisté à mon dernier cours hier. Il me reste quelques travaux à finaliser. Mon casier à vider. Mon départ à assimiler, parce que j'ai peine à le croire moi-même.
Étrangement, j'éprouve un peu de... comment dire... pas de regret, ni de tristesse... ah puis merde! J'éprouve un sentiment indéfinissable, comme un grand trou noir à l'intérieur de moi qui est un peu fatigué de faire son travail de trou noir, à l'idée de mettre mes études sur la glace.
Je suis démotivée, certes. J'ai envie de voir ailleurs si j'y suis, parce que j'y étais la dernière fois que j'ai vérifié, certes. Mais aller à l'école, c'est tout de même une habitude que j'ai prise, et ça me fait tout drôle de la briser.
Les déjeuners à la cafétéria vont me manquer. Les pauses de 4654545 heures passées à tourner en rond (jaune, rouge, bleu, vert, jaune, rouge, bleu, vert... vert, bleu, rouge, jaune, vert, bleu, rouge, jaune...) vont me manquer. Certains profs vont me manquer. Et les élèves, putain, les élèves vont me manquer. Ces gens qui ne sont pas tout à fait des amis, pas tout à fait des inconnus, que j'ai côtoyé quotidiennement et que je ne verrai peut-être plus jamais.

Bref, ce sera plutôt intense comme manque. Mais ça va valoir la peine.
Je le sais.
Ça ne ressemble pas à un début de conte de fée, mais c'en est un. Il est seulement peu traditionaliste. C'est tout.